vendredi 2 mai 2014

[Michel Honaker] Carabosse

Titre : Carabosse : La Légende des cinq royaumes

Auteur : Michel Honaker
Editeur : Flammarion
Nombre de pages : 372

La légende de la fée maléfique de La Belle au Bois Dormant.

La belle Cara est maudite : elle est bossue. Par dépit amoureux, elle tombe du côté obscur de la magie et devient la Fée du Vent Mauvais. Elle n'aura de cesse de se venger de sa sœur, en maudissant son héritière, la belle Aurore, la princesse du Bois Dormant. Après 99 ans, Lilas, dernière fée survivante à avoir échappé à l'horrible régence de Carabosse, part chercher le prince charmant destiné à sauver Aurore, endormie le jour de ses 18 ans...

Vous aimerez :
- découvrir l'envers du conte de la Belle au bois dormant
- la galerie de personnages
- l'écriture, belle, fine, ciselée
- le vent de légende qui souffle sur les pages
- le réseau de symboles extrêmement resserré

Vous n'y trouverez pas :
- un personnage d'Aurore très présent
- un rythme haletant
- une intrigue convenue

Mon avis ?
Tout le monde connaît l'histoire de la Belle au Bois Dormant, mais s'est-on jamais penché sur les origines du conte ? Sur les causes qui ont amené Aurore à être maudite par l'une des fées qui s'est penchée sur son berceau ? Quelle fée ? Pourquoi ? Comment ? Carabosse répond à toutes ces questions, et l'auteur nous offre là un magnifique roman qui plonge aux racines du conte, dans ses recoins les plus sombres et les plus méconnus.

Je vais faire court : j'ai adoré ! Je m'attendais à ne pas être du tout surprise par cette réécriture de conte et, bien au contraire, je l'ai été de bout en bout. C'est un bijou !
 
Déjà, dès le début, nulle trace d'Aurore : on suit les pas de son père, le roi du futur Bois Dormant, un monarque jeune, très attachant, qui mène sa première campagne militaire. Décidé à protéger son royaume, le roi Florestan est conseillé par son fou, Trublion, un nain très attachant et qui, on peut le dire, porte l'intrigue sur ses épaules. De bout en bout, plus encore que la fée Cara, c'est lui que l'on va suivre. Cara n'apparaît qu'au bout de quelques chapitres, quant l'armée en déroute de Florestan se réfugie dans le château de son père. Mais Florestan, d'abord charmé par Cara, tombe éperdument amoureux de sa sœur, Léonore... qui sera la mère de la future Aurore.
Si ainsi résumé ce tournant scénaristique peut sembler convenu, il n'en est rien de la manière dont l'auteur l'écrit, le met en scène, l'amène par petites touches... il prend beaucoup de soin à insuffler une nouvelle charge légendaire aux symboles qui parsèment le conte de la Belle au Bois dormant : le motif de la tisseuse (de vent, d'intrigues, de mort...) est parfaitement repris, et Cara nous apparaît comme une araignée venimeuse du plus bel effet ! Souvent absente mais toujours dans l'ombre, elle tire sur les fils de l'histoire... jusqu'au jour où tout lui échappe, bien sûr, mais cela n'a lieu qu'à la toute fin du récit.

Née humaine, rendue jalouse par l'amour que Florestan porte à sa sœur, Cara deviendra vite fée pour se venger. Une fée nommée Carabosse, créée par le Vent Mauvais, qui s'emploiera à tuer toutes les autres fées qui auront béni la jeune Aurore ainsi que le couple Florestan-Léonore.
Les fées, justement, ont un rôle important dans le récit, notamment la fée Lilas, du royaume de Mataquin, qui contrecarrera le funeste plan de Carabosse : au lieu de mourir sur le champ le jour de ses 18 ans, Aurore s'endormira simplement, ainsi que tout son Royaume... Lilas est un personnage  délicieusement, dont on ne sait trop bien pour qui elle œuvre. Peu à peu, néanmoins, notamment au contact du nain Trublion, elle s'humanise et comprend même l'amour que le pauvre fou ressent à son égard, au point de le protéger par compassion. Car les fées sont séduisantes, et ô combien dangereuses... les multiples manières dont se présentent leurs pouvoirs (le pouvoir effectif des mots, par exemple !) sont extrêmement bien trouvés, et vraiment bien mis en scène. J'ai adoré !

On plonge donc dans l'envers du conte, l'histoire qui n'a pas été racontée. On s'intéresse à ceux que le conte n'a pas retenu comme héros, que le conte n'a même jamais cité parfois. Michel Honaker explore cette partie inconnue du conte avec un brio qui se renouvelle à chaque chapitre, chaque page ! C'est vraiment extraordinaire, cette façon qu'il a eue de recréer l'envers du conte, en partant de presque rien. Extraordinaire, cohérent, et à ce point dense qu'on a ici matière à créer d'autres contes, d'autres histoires se tenant dans les Cinq Royaumes !

Bon, je me répète, je sais, mais j'ai adoré. Je ne saurai que trop vous conseiller ce roman, si vous aimez les contes et les réécritures réussies. Ici, l'auteur ne s'est pas contenté de réécrire, il a exploré une partie inconnue du conte originel, et la qualité s'en ressent grandement : c'est grand, c'est beau, c'est... épique !

Un coup de cœur, vraiment inattendu pour ma part, car d'ordinaire les contes m'ennuient profondément. Vraiment surprenant. Fin. Ciselé. Merveilleux... Je vous le conseille mille fois ! De plus, il se dégage une telle poésie de l'écriture... ce serait dommage de passer à côté, rien que pour cela ;-)

Merci aux éditions Flammarion pour cette superbe découverte !

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